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dimanche 5 février 2012

Faire grève


Il y a de ces phrases qui reviennent, toujours, à des moments précis, sans qu'on sache très bien d'où elles nous viennent à la bouche. On nous les ramène dans chaque mouvement social, et déjà on entend leur rengaine parmi les bruits de la grève qui s'en vient. Avec l'efficacité de flashes publicitaires, ces formules aux airs de slogans ne font que suspendre, chaque fois, la question à laquelle elles ne peuvent répondre. Ce qu'on entend derrière tous ces énoncés, ceux qui sortent tantôt de la bouche d'un collègue, tantôt du discours d'une matante, ceux qu'on entend dans les manifs comme dans les déclarations de la police, qu'on lit dans la Presse ou dans les journaux militants, c'est le même cynisme incrédule; c'est la même crise de sens qui traverse tous les êtres de notre époque, étudiants, employés, profs, recteurs aussi bien que drop-outs.

Toutes ces phrases toutes faites, qui est-ce qui y croit vraiment? Qu'on se le dise franchement: ces beaux alibis n'attestent rien d'autre que de notre absence à la situation.

Quand arrêterons-nous de faire comme si?

Comme si c'était juste une affaire de frais de scolarité et que c'était pas notre vie qui était en jeu, à chaque instant?

« C'est pas démocratique! »
Comme si on devait toujours en passer par le vote ou le consensus, et que tout ce qui allait à leur encontre était forcément autoritaire ou pire, réactionnaire. Le dogme démocratiste ne vise qu'à créer un sentiment d'adhésion, une fiction de l'unité que personne ne pourra remettre en question. En se légitimant par la démocratie on évite de se mettre en jeu, de prendre position: on sublime le conflit dans les procédures démocratiques. Ce que tout le monde sait secrètement, c'est que c'est surtout une manière de fermer la gueule de ceux et celles qui sont pas d'accord, qui remettent en question l'unité en ne voulant pas réduire la grève à une affaire d'étudiants. Ce qui est en jeu dans une grève, c'est toujours des rapports de forces entre tendances qui ne pourront jamais se résumer à un mandat d'AG.

« Il faut pas se mettre la population à dos. »
Comme si mononc' Gilles allait vraiment se lever de son sofa. De toutes façons, à quoi ça sert d'attendre d'avoir l'appui d'une majorité qui s'est elle-même condamnée au silence? L'opinion publique, c'est TVA, c'est la main invisible derrière la police. On va quand même pas faire les indignés, et licher les bottes des sondages avec lesquels on va se faire botter le cul de toute façon. Ils vont toujours trouver que ça a trop duré. On arrivera jamais à rien tant qu'on gobe la fiction du peuple uni pour la Cause.

« L'université publique, c'est le bastion de la pensée critique, c'est sacré! »
Arrêtons de faire comme si l'université était un sanctuaire. Les appels à « sauver l'éducation » ne sont qu'un appel à l'État, à sauver une société dont on ne veut plus. Il n'y a pas à choisir entre l'autonomie de l'université ou son arrimage aux lois du marché : c'est pas l'université qui est à sauver, mais une manière d'y être qu'il nous faut penser. Y être en sachant de quoi elle est la limite, d'une manière qui fissure ses murs, qui puisse en faire autre chose qu'un organe reproducteur.

« La grève c'est pas des vacances. »
Veux-tu ben nous sacrer patience! La grève, c'est censé être le contraire du travail : un arrêt de la production, une interruption de la fonction. Pour ceux qui souhaitent nous mobiliser, pour gonfler leurs chiffres, qui nous demandent obéissance et unité devant leur programme, nous opposons nos multiples modes de faire-grève avec toute la conflictualité que ça implique. En ce sens, faire grève, c'est savoir faire du retrait un acte offensif, et non un divertissement passif. La force d'une grève dépend de ce qui y circule, ce qui implique aussi de lâcher le catéchisme du bon militant. Il n'y a pas à choisir entre le sérieux de la lutte et ses débordements joyeux. On va pas faire comme s'il fallait s'emmerder pour lutter; la politique a pas besoin d'être plate pour être puissante, au contraire. Faut juste savoir comment articuler tout ça.

« La grève n'est pas une fin, c'est un moyen de pression. »
Ben voyons. La grève se désire pour elle-même, et non pas pour les obtenir, les revendications. Les rencontres, les intensités, les récits partagés font la puissance d'une grève, bien plus que les gains fantasmatiques de la posture revendicatrice. Faire de la grève un moment d'affirmation, se constituer en force, et non pas chercher la reconnaissance.

« Mais alors qu'est-ce que vous proposez? »
Qu'on arrête de faire comme si un plan de match allait venir, comme si des directives allaient nous sauver du « naufrage de l'université ». Comme si une analyse juste de la conjoncture allait nous donner le bon chemin, nous assurer de la victoire.
La possibilité de perdre une bataille ne doit pas nous empêcher de nous rencontrer, d'être attentif aux présences qui peuplent cette grève, aux manières de l'habiter, et aux destins communs qu'elles portent.

C'est à partir de ces manières, ces présences communes que nous nous retrouvons, que nous pouvons faire autre chose, devenir autre chose, et le tenir avec assez de force pour vaincre à nouveau. C'est à partir de ce comment que nous pouvons penser, ensemble, notre présence dans la grève, notre présence à la grève et que nous pouvons élaborer une stratégie.

Nous n'avons rien à déclarer comme « projet de société ». Aucun « projet » n'arrivera à régler le mal-être ambiant. Nous ne voulons pas construire la société idéale, mais plutôt expérimenter et organiser des pratiques, des manières d'être présent, d'être-là, vraiment.

Parce que la grève étudiante n'est qu'un prétexte, un prétexte pour faire-grève.



mardi 15 novembre 2011

Fragments pour une reprise des hostilités





Combien de fois aurons-nous à faire le deuil de ce qui aurait pu être possible ? Faire la critique post-mortem, le bilan de l’échec?
Nous partons de la distance que nous éprouvons envers une Grève aussi planifiée que différée. Face à cette Grève générale étudiante, dont nous entendons parler depuis plus de deux ans, il nous faut penser les orientations qui nous permettraient de ne pas nous y perdre, de ne pas répéter la répétition générale. Il nous manque une carte, à la fois pour savoir y fuir et pour y poser nos pièces. Trop longtemps nous avons fait l’économie de la pensée stratégique, au profit du ressassement des réseaux en boucle et des anecdotes en queue de poisson. Il nous reste à exposer ce qui est en cours, le mettre à jour, ce qui est inséparable d’une prise de risque, d’une mise en jeu. Puisqu’il ne s’agit pas de se tenir loin des orchestrations contestataires et de les tenir dans notre joue critique, mais de composer avec elles, de composer contre elles. La question est de savoir comment dissoner, jouer faux dans la partition. Comment susciter une autre répartition, trouver un autre rythme, faire résonner autrement. Ce texte, plutôt qu’un programme, se veut une prémisse.
« Vers une mobilisation générale »
L’actualité de ce monde est une entreprise de mise en disponibilité, de fonctionnalisation, d’extraction de l’énergie brute, d’instanciation. Face à cette mobilisation totale, l’essence de la grève ne peut être que démobilisation, dans le sens de rendre-inopérant, de désactiver les dispositifs de production et de gestion de la « vie ». On nous propose la Grève comme entreprise, qui occulte le faire-grève lui-même, en tant que mouvement de retrait offensif.
La Grève générale étudiante est un cover du mouvement ouvrier, une reprise de son échec. Mais plus encore, ce n’est une reprise que de son échec, se déployant sur trois plans : 1) la fétichisation d’une identité essentielle (prolétaire, étudiant) comme fond et objectif du mouvement ; 2) le besoin infantile de reconnaissance par l’État et de légalisation de ses « acquis » ; 3) la pensée magique d’une solution utopique de règlement du conflit social, manifeste dans sa procédure démocratique.
Cette Grève nous apparaît comme une grotesque mise en scène, une simulation. On martèle un discours creux auquel on ne croit plus, on s’imagine un mouvement de masse et une condition étudiante, on court se faire arrêter pour pouvoir s’en indigner, etc. Les gens sentent autant son côté vétuste que son essence manipulatrice. Ses leaders sont déjà réfractaires à la grève qu’ils feignent d’organiser. Ils disparaissent vers 25 ans dans des jobs de conseiller syndical, de soutien corporatiste, de gestionnaire subventionné-e de la misère, de « faut ben vivre criss ».
Malgré cela, il persiste dans le moment de la grève une effervescence, une joie, une exaltation, qu’on ne saurait résumer à un simple spectacle contestataire. Le déclenchement d’une Grève, aussi minable et insignifiante soit-elle, porte en lui quelque chose qui échappe à la simulation. Il s’y passe quelque chose, quelque chose qui circule entre les êtres, les fait se dresser ensemble contre le prétendu ordre des choses. C’est donc dire que la Grève capte, qu’elle fonctionne en captant cette joie. Toute son énergie provient de la captation d’un faire-grève. C’est dans le moment de la grève que se rencontrent une certaine densité de refus et un moment historique.
La Grève capte la grève en nous, et fait comme si elle l’avait enfantée. Comme la « société » qui dit nous produire. Comme chef d’orchestre, elle s’assure que les notes sortent au bon moment, qu’elles s’harmonisent entre elles, sans dissonance, à l’horizon du gong final qui mettra fin à la pièce. Mais autant elle assigne chaque singularité à son instrument, à son moment propre, elle leur donne une place, dans une embrassade bienveillante. La Grève est le fait d’un milieu, nébuleuse associative, étudiante, militante. Ce milieu, il ne suffit pas de le critiquer, de l’objectiver, d’en faire une typologie, puisque fatalement il nous habite comme nous l’habitons, mais de percevoir les mécanismes concrets qui opèrent en lui. D’où l’importance de dresser le portrait de la situation qui nous est faite pour y déceler les appareils de captation qui la constituent. Il ne s’agit pas de s’opposer à des formes mais de composer avec des forces. 
Dispositifs de captation
Les dispositifs viennent toujours par couplage, proposant une fausse dichotomie qui exige une identification, le fait de choisir des prédicats comme principes de l’agir. Cette identité procure une certaine jouissance, tirée de la relation qu’elle entretient avec la possibilité d’une réelle prise de parti, dont elle n’est qu’un détournement abusif, une mise en représentation illusoire. Il faut comprendre que ces couples, bien qu’ils s’incarnent souvent dans des corps individuels et collectifs, sont des tendances, des manières d’être transversales aux stratégies existentielles.
Démocratie directe / démocratie représentative
L’Assemblée générale détient ce pouvoir traditionnel du déclenchement de la Grève, c’est-à-dire de délimiter souverainement son début et sa fin. L’instrumentalisation de ce pouvoir aurait pu nous apparaître comme une stratégie contre l’apolitisme de la masse anonyme, mais le marais démocratiste est précisément celui qui absorbe la conflictualité (la guerre) en la réduisant au 50+1. D’instrument, elle devient la norme à laquelle toute politique doit finalement être réduite.
La posture du démocratisme radical (direct) s’enracine dans cette dynamique, où la ligne politique se réduit à un processus extensif de démocratisation. Elle cible l’arbitraire des représentant-e-s comme seul obstacle à la volonté générale, toujours raisonnable si elle n’est pas manipulée. L’erreur y est humaine, dans le sens où l’humain trop humain y est perçu comme la source du mal. L’accentuation du caractère légitime des structures démocratiques, afin de ne pas tomber dans le machiavélisme, se voit obligée de porter ses efforts sur ses seules médiations, vers une amélioration de ses rouages contre l’arbitraire. Jusqu’à ce que ce soit la volonté même, en tant qu’élément humain, qui en devienne l’ennemi principal, et qu’on se retrouve devant un simple cybernétisme de gauche.
On y est placé devant un unique objet de convoitise ; la démocratie ne doit pourtant sa réalité qu'à ce qu’elle réussit à « récupérer » des conflictualités concrètes envers lesquelles l’agora – le lieu de publicité – se pose comme seul espace d’expression « légitime ». Son opération se résume à l’encadrement et à la codification juridique de ces conflictualités. Cette notarisation des luttes n’a pourtant d’autre utilité que la traduction des guerres « intestines » dans le langage de l’ennemi externe.
L’idée de fond du démocratisme radical est que d’un amalgame de quantités plus ou moins consensuelles surgirait une qualité politique, sans égards à la qualité de ce qui est en partage. La fixation dont il est question n’est pas que l’apanage de l’Assemblée générale, mais traverse toute réunion entrevoyant l’apparition d’une passion instantanée de l’égalité. Les comités de mob ou les conseils de grève sont souvent habités par le même délire. L’aplanissement ne produit pas l’égalité.
Démocratie directe, démocratie représentative et apolitisme se rejoignent intimement dans le précepte libéral, nous plaçant devant le faux débat du « plus démocratique ». L’anti-gréviste accuse l’AG d’être antidémocratique car bloquant son libre accès au cours, tandis que le démocrate radical en appellera de la souveraineté de l’AG pour contester l’autoritarisme bureaucratique de l’exécutif, alors que ce dernier se réclamera de sa représentativité mandataire. Toutes tendances confondues s’affrontent dans le jeu de la gestion de la conflictualité. 
Le démocratisme tire sa raison d’être de la conflictualité envers laquelle il se pose comme un lieu d’expression, un contenant. Mais on ne peut être contenant sans contenir. Contre la réduction démocratique, il s’agit pour nous de répandre le politique hors de ses murs : rendre le conflit nomade.
Au sein même des espaces dévoués à la gestion du conflit, un surgissement politique peut faire apparaître de la démocratie qui dépasse les carcans du démocratisme.
Syndicalisme de masse / activisme
Le syndicalisme et l’activisme – qu’il soit affinitaire ou groupusculaire – s’opposent sur une certaine conception des « gens ». Le premier les considère comme ses « membres », plus ou moins politisés, qu’il s’agit de faire cadrer dans un programme pour leur propre bien. Alors que le second les considère immédiatement immanents à leur situation (de classe ou d’identité), il suffirait de précipiter l’affrontement pour les rallier à la cause. Leur opposition se joue surtout dans une différence de degré sur la croyance en la capacité de ces « gens » à comprendre et à exprimer leurs intérêts. La tendance activiste se réclame de l’expression immédiate de la colère populaire, alors que les organisations de masse tendront à la cadrer dans des actions symboliques pacifiantes.
Chacun défendra son action comme étant la plus efficace pour atteindre des buts partagés : soit obtenir quelques concessions ou radicaliser/étendre la lutte. Les deux types visent à incarner des rôles spécifiques et divergents dans leurs relations avec l’État : l’interlocuteur crédible ou la menace. Au final, l’activisme au sein de la lutte étudiante finit par faire de la sous-traitance, la « job de bras » des syndicalistes.
Une des oppositions classiques incarnant ce couple est celle de l’attentisme et du spontanéisme révolutionnaire. Dans les faits, le beau risque de plusieurs radicaux de 2005 a été de sacrifier la spontanéité pour une polarisation vers la planification. L’écueil de 2007-2008 a radicalisé la posture sacrificielle d’une minorité agissante, la lutte se préparant de longue haleine, plusieurs années à l’avance. Désormais, en milieu étudiant, toutes les tendances s’accordent sur un nécessaire travail de mobilisation, de pédagogie révolutionnaire, préalable à l’apparition d’une situation conflictuelle. Toutes deux traversées par cette conception de l’individu « mobilisable », la posture massifiante en appelle à une identité étudiante abstraite tandis que la posture activiste en appelle à l’universel exploité ou à la multiplication des identités. Du corporatisme à l’extensivité révolutionnaire, il y a une désignation symétrique de l’exploité et de l’ennemi. Dans les deux cas, la ligne « nous/eux » partage et réunifie chaque camp, faisant fi de toutes les singularités réelles qui les traversent.
Action symbolique / action directe
D’un côté ou de l’autre, la violence est prise comme l’acte ultime tranchant dans la passivité ambiante. Cependant, on ne se positionne que sur la stricte légitimité de la violence, sans en explorer le contenu ni en distinguer les exercices et les formes. Jugement qui ne peut se faire qu’à l’aune de critères purement utilitaires. Pour ceux qui sont pour, l’action directe serait la manière la plus efficace d’atteindre ses fins, alors que les autres considèrent comme beaucoup plus efficients les nez de clowns, pétitions et autres cubes de couleurs dans la rue. La violence ne reste qu’un moyen, ou bien appelée par une situation hallucinée de survie, ou bien illégitime par rapport à un monde futur tout autant halluciné, dépouillé de toute hostilité.
Il en résulte que la violence, telle qu’elle surgit de toute manière (chez l’un ou chez l’autre) se voit acculée à devoir se positionner sur le plan de la légitimité ou sur celui de l’efficience. En ce sens, les deux restent férocement méprisants à l’égard de la relation entre la vie et la souffrance, la vie et la douleur, l’une étant le signe de l’autre.
Les deux comptent défendre la société, de hier ou de demain. Tout ce qui va à l’encontre du lien social en allant dans le sens d’une pure déliaison, c’est-à-dire du caractère gratuit d’une destruction, demeure conjuré au nom d’une fondation, d’un contrat mettant fin à la guerre. Le caractère destructeur, un des ethos principaux du faire-grève, y est mis au ban. Or c’est précisément ce caractère qui peut déclarer – de la part d’une autre souveraineté cette fois-ci – qu’« avant l’être il y a le politique ».
La question n’est pas celle d’un possible culte de la violence, mais seulement celle de voir comment elle existe, et de toujours remettre en question notre rapport à elle.
Captation par le bas / captation vers le haut
La captation par le bas opère par la reconstruction de faibles liens de socialité basés sur l’idée courante que la vie concrète fait fermenter le Bien, que c’est dans la proximité communielle que se trouve le Salut. Elle s’illustre typiquement dans la production de nourriture, où il est présupposé qu’en tant qu’activité naturelle – donc au fondement du lien social – elle augmenterait en densité la Grève. C’est dans ce pôle que se réfugient souvent les volontés, voulant faire échapper le faire-grève à la mobilisation générale, cherchant à y mettre en pratique des modes d’être autres.
Condamnée par sa propension à se faire instrumentaliser et à se rendre pacifiante, la captation par le bas se secondarise d’elle-même dans son retranchement à n’être que la base matérielle du mouvement.
En opposition, la captation vers le haut se pose en pôle énonciatif et directeur de la lutte. Se réservant les fonctions de représentation, d’écriture et de planification, elle justifie toutes ses trahisons et bassesses par la fiction de l’opinion publique, son principal interlocuteur qui n’est de fait jamais là. Toute son activité est concentrée vers le moment mythique de la « négo », celle où sa voix portera la colère des masses. À défaut, l’apparition médiatique, « menace au gouvernement », servira d’exutoire.
N’arrivant pas à énoncer ses désirs politiques, la captation par le bas se réfugie derrière la concrétude, sous le prétexte compréhensible du retrait. À l’opposé, la captation vers le haut distille le champ des productions désirantes en une liste simpliste de revendications. Rendre compréhensible, transparent et parlable la Grève, telle est la mission qu’elle s’est donnée. 
L’opposition classique abstrait-concret calque parfaitement la séparation des tâches qui a cours entre les genres. L’homme au porte-voix est une fonction qui n’est pas nécessairement réservée aux mecs, mais qui incarne plutôt le domaine masculin du discourir et de la politique classique. La femme au chaudron, quant à elle, est un devenir féminin, qui bien que porteur d’autonomie locale, se réduit à la subalternité. La fonction féminine, bien qu’au fondement de la reproduction du quotidien, est toujours dévalorisée par la « vraie politique ». En réponse, la captation par le bas se détourne de la parole politique. La captation vers le haut, quant à elle, rabat toute parole sur ses catégories syndicales (gain, moyen de pression, rapport de force) au nom de l’opérationnalité. 
Au final, les deux formes de captation sont des modalités de la mobilisation se nourrissant toujours du paradigme de l’urgence. Il y a tant à faire, il faut répondre à la nécessité. Besoin de discours ou besoins concrets qui pressent la Grève de tous côtés. 
Mais cette pression trouve sa limite dans l’ex-pression, lorsque des points de passage surgissent, lorsque la circulation de la parole est interrompue par des fuites. Ce sont à elles qu’il convient de prêter l’oreille, dans leurs chuchotements et leurs lapsus. Ces fuites, où se manifeste le Dire même, peuvent porter le vécu d’une parole s’opposant à la communication comme opération, et mettre en commun l’organisation concrète du désir, irrémédiablement irréductible aux «besoins». Ce que nous appelons le faire-grève est hétérogène à la faible socialité de la captation vers le bas tout autant qu’à la forte revendication de la captation vers le haut.
La grève, le littoral
Le faire-grève est la limite, autant que la source de la Grève. Cette Grève comme entreprise, avec ses entrepreneurs, ne produit rien, ne crée rien, mais gère, organise, détourne, informe, c’est-à-dire mobilise. En ce sens elle est un dispositif de pointe : sa mobilisation se nourrit de ce qu’elle exclut, son centre réel est en périphérie, sur son littoral. C’est pourquoi nous ne saurions proposer une posture de pure extériorité critique, ni de dialogue constructif avec la Grève. Pour cela il faut refuser autant d’y entrer que d’en sortir, et avant tout d’y perdre l’essentiel : l’anonymat. L’être en grève reste là tout en débordant, il se situe dans une tension constante entre distance et proximité face à la Grève : il est à la fois ce qui conteste les rapports de pouvoir internes au mouvement, et ce qui ébranle les rapports au monde extérieur. Le faire-grève est la frontière commune aux relations intersubjectives et au monde comme dehors.
La source de la Grève se trouve sur sa limite, sur son littoral, sur sa grève. Elle ne vit que de son possible caractère « politique », dont l’essence exige son propre dépassement. Une intelligence de la Grève ne peut se retrouver que sur cette essence du politique – le conflit – où il est possible de faire-grève, à la limite de la Grève elle-même. Le faire-grève est infini ; l’entreprise-grève tente d’endiguer cet infini entre un début et une fin.
Si la Grève est déclenchée et terminée, elle porte néanmoins en elle bien plus que la menace de l’arrêt momentané de la production, c’est aussi une césure, un intervalle, une coupure, un écart à soi. Le faire-grève est rupture qui tranche les communautés jusqu’aux subjectivités, une menace de désertion. Pas seulement des salles de cours, des lieux de travail, mais du sujet lui-même, à l’égard de ses déterminations. L’ouvrier en grève cesse d’être qu’un ouvrier, et l’étudiante cesse d’être qu’une étudiante, laissant place à des singularités et à des pratiques à inventer.
Ces pratiques sont des conflits, ces singularités sont des tendances dévoilées par la grève. Ainsi, si le politique est l’interruption du déroulement normal des choses et des manières d’être : la grève est un moment de mise à nu des tendances infrasubjectives qui – plus que jamais – s’affrontent directement. En ce sens, le faire-grève est en lui-même une tendance au partage, tant comme mise en commun que comme mise sous tension : celle qui reconnaît que le conflit ne sera jamais résolu.
Le moment grève est une accélération, une intensification et un éclatement de tout ce qui fait grève, de tout ce qui fait déjà grève en nous. Le faire-grève est l’énergie du moment grève, mais ne pouvant s’inscrire dans sa temporalité, il en est aussi sa limite. Parfois, pour un instant, la Grève n’arrive plus à contenir le faire-grève. Quelque chose se passe, quelque chose qu’on n’avait pas prévu, pour le quel il n’y avait de place. Pour un instant, le faire-grève échappe aux mailles du filet, un bref moment de politique éclate. Lors d’une simple AG ou d’une manif’, quelque chose détonne de la mornitude ambiante.
Le faire-grève circule et se partage. L’illustration de ses agirs en trois temps, à partir d’un débordement des moyens de la Grève, permet d’en penser l’élaboration pratique. Élaborer le faire-grève, c’est en penser le seuil de partage qui lui donne une densité, une force, un éclat. Et cela nous autoriserait à prendre ses propres moyens, qui constituent très simplement les moyens mêmes du faire-grève contre sa propre institutionnalisation.
Sabotage 
Les sabotages, s’ils se résument le plus souvent à un moyen de  pression, en appellent à un partage, à une mise en commun de savoirs-pouvoirs : une compréhension minutieuse du fonctionnement du dispositif et donc une conscience matérielle de l’impact de son disfonctionnement. La crainte des syndicaleux, lors de sabotages, est leur explosion, leur multiplication sous des formes purement anonymes, muettes et « gratuites ». Par exemple, la grève ouvrière se fonde sur une certaine valorisation du travail, en tant qu’activité humaine. L’emploi du sabotage, dans ce cadre, pose le risque de briser cette valorisation et donc, le contrat implicite entre patrons et ouvriers. Plus profondément, et encore dans le monde ouvrier, le sabotage, en se généralisant, finit par briser jusqu’à l’identité de producteur, car il en vient à incarner le refus en acte du travail, une sortie du rapport capital-travail. C’est sans doute pourquoi tous les marxistes, et Marx en tête, ont associé rapidement le sabotage généralisé à une fausse conscience de la classe sur son rôle historique. Le sabotage doit alors aussi être compris comme interruption de la production identitaire. S’il s’agit d’effectuer un brouillage des dispositifs de captation, le faire-grève prend la forme de tous les sabotages, et d’abord celui de la Grève elle-même.
Pillage
Chaque grève a ses moments de pillages, même minimaux, dans lesquels on mesure mieux l’instantanéité de la conflictualité, la spontanéité pratique. Dans ce cadre, tout pillage dépasse la revendication, surtout lorsqu’il s’agit d’aller chercher directement ce qui est revendiqué. Il y a dans le geste de la prise au tas une lucidité sur la possible mise en déroute de la valeur, en se saisissant sans payer de ce qu’autrefois on se limitait à réclamer. L’image de la masse qui s’empare sans s’expliquer de la marchandise est la hantise du syndicaleux, car elle rompt irréparablement avec la triade travail-argent-marchandise.
Le pillage dans la grève n’agit pas comme démocratisation de l’accès à la marchandise, sa gratuité réside plutôt dans la destruction de la forme marchande. Cette tendance peut mener à la destruction pure et simple du produit, qui est profanation du pouvoir des choses sur la vie. Quand le pillage ne se limite pas à l’accumulation, il restitue à l’usage commun, annonçant la possibilité du libre usage. Dépense et fête y sont intimement liées : le pillage collectif donne au faire-grève ses plus beaux moments de paroxysme. Pillage également des savoirs-pouvoirs, qui une fois restitués à l’usage commun et donc mis en circulation, augmentent la densité du faire-grève et minent la centralisation du pouvoir.
Blocage
Le blocage est aussi une intensité. L’intensité du retrait, de l’interruption, de la césure qui correspond au geste à la fois le plus simple et le plus essentiel du faire-grève. C’est sa capacité à faire cesser. Ce qui fait peur dans le blocage, c’est que la stratégie de la désertion soit doublée par la politique du rester-là. L’occupation bloque les circulations, elle est habitation de l’espace, d’espaces assignés à des usages précis et temporaires, dont la circulation des corps assure le fonctionnement. Occuper une salle, un plateau de télé, le métro, c’est en bloquer l’utilisation, c’est nécessairement se dessaisir de la légitimité.
En général, les blocages en temps de grève se justifient à travers une compréhension de l’économie comme étant limitée à l’infrastructure. Du coup, ils sont toujours moyens de pression et le slogan « Bloquer l’économie » ne recouvre que l’économie classique, limitée à certains objets et sujets symboliques. Mais chaque blocage contient la promesse de la pénurie qui rejoint la question de l’organisation : comment vivra-t-on ? Ce qui ouvre à la possibilité de voir l’économie dans sa brutale matérialité, celle de la gestion de la production non seulement des choses, mais des désirs et des affects. Le blocage est donc aussi celui du cours normal des affects, des intensités et des relations. En ce sens, tout peut être bloqué par n’importe qui. 
Le bris des dispositifs et la fuite de la captation ne composent pas l’essentiel du sabotage, du pillage et du blocage. Une telle conception réductrice masque tout ce qui est en jeu ici : le partage, l’organisation, la prise de parti, la circulation des savoir-pouvoirs, l’élaboration stratégique commune, etc. Un contenu qui se manifeste par une illustration offensive et qui ainsi ne se limite pas à une distance face au monde, mais qui tisse finement le retrait : un léger déplacement décisif dans notre rapport au monde. Il ne s’agit donc pas d’apolitisme, mais d’une sortie de la politique classique et de tous les moralismes. Un repas ou une manif’ sont des lieux de rencontres où le faire-grève, son partage, peuvent se densifier de sabotage en pillage, de pillage en blocage. Densification qui pose la question de la communisation, et non de son infrastructure.
Communisation
Le faire-grève, s’il se réduit au retrait, à l’ingouvernementalité ou à l’absence, est voué à l’impuissance. Le faire-grève ne vient jamais seul. Il implique la mise en commun de conditions, d’inclinations, de penchants. Au-delà des rencontres permises par la libération du temps, la communisation est expérience, c’est-à-dire révélation d’un commun qui se tient dans l’entre-nous. L’entre-nous, c’est penser un nous qui n’est pas déjà constitué, c’est une histoire ouverte. La communauté n’est pas fixée sur une identité, elle n’a pas de propre ni de frontières. Au fond, il n’y a donc jamais de communauté, mais que du devenir communauté. Le pire ennemi du communisme, c’est son achèvement. Puisque nous sommes tous inachevés, la communisation est l’expérience qui nous porte à la limite de nos subjectivités. À l’égard des prédicats qui nous constituent comme sujets, le faire-grève opère par désubjectivation. Désubjectiver ce n’est pas simplement aller vers le massifiant, au contraire c’est descendre en deçà de l’individu, vers le trans-individuel. Il s’agit alors de faire circuler en rendant impropre nos noms, nos mots, nos qualités, bref, devenir quelconques. C’est jeter les bases d’une politique extatique : une sortie de soi, un surgissement. Par la communisation, les désirs et affects circulent sans devenir complètement transparents ou assignés à une catégorie.
En d’autres termes, le syndicalisme étudiant existe sur la mobilisation de la figure de l’étudiant-militant-pour-la-gratuité, mais ce qui est réellement actif, ce n’est pas cette abstraction : c’est la possibilité de mettre en circulation une colère qui ne sera jamais résolue. Le faire-grève condense ce refus pour le constituer en force. Au fond de chaque « ça va faire » réside une promesse de commun, une mise en partage. Après tout, à chaque fois que nous faisons grève, nous actualisons les traces laissées par les grèves du passé. Ce faisant, nous répondons à l'appel du communisme, ce fond opaque sur lequel se dresse l'idée même de grève. Cette idée parcourt ceux et celles qui se sentent décalé-e-s face à la cadence militante, mais qui ne peuvent non plus se résoudre à laisser leur colère mourir. C'est aussi parce que nous ne voulons nous y résoudre que nous proposons ces quelques pistes.
 

lundi 14 novembre 2011

Fragments for the Resumption of Hostilities





How many more times will we have to mourn what would have been possible? Write the post-mortem critique, record the failure?
We start from the distance we experience towards a Strike that is as much planned as it is postponed. In front of this general student Strike, of which we’ve been hearing about for more than two years, we must think the orientations that would permit us not to lose ourselves in it, not to repeat the dress rehearsal. We are lacking a map, both to find how to flee and to play our pieces in it. Too long we have done without strategic thought, to the benefit of the circular rehashing of our networks and anecdotes. Still to be done is an exposition of the ongoing, inseparable from the taking of a risk, a bringing into play. For what is at stake is not to keep far from the orchestrations of protest, and hold them in our critical gunpoint, but rather the necessity of a composition: to compose with them as much as against them. The question is to know how to play out of tune, to bring dissonance whatever the score. How to make our part spark another partition. This text, rather than a program, intends to be a premise.
“Towards a general mobilization”
The actuality of this world is an enterprise of availabilitization, functionalization, of raw energy extraction and of instantiation. Against this total mobilization, the essence of strike can only be of demobilization, in the direction of rendering-inoperative, of deactivating the devices of production and administration of “life”. We are proposed the Strike as an enterprise which conceals the striking itself, as a movement of offensive withdrawal.
The general student Strike is a cover of the labor movement, a revival of its defeat. Moreover, it is a revival of its defeat only, as it was performed on three planes: 1) the fetishization of an essential identity (worker, student) as ground and goal of the movement; 2) the infantile need of recognition by the State, and the legalization of its “gains”; 3) the magical thought of an utopian solution to solve social conflict, obvious in its democratic procedures..
This Strike appears to us as a grotesque screenplay, a simulation. It hammers its hollow rhetoric which it no longer believes in, it imagines a mass movement and a student condition, it seeks to get arrested only to be “indignant”, etc. But people do feel its decrepitation as much as its manipulative nature. Its leaders are always already refractory to the strike they pretend to organize. At 25 they vanish in union consultant jobs, as subsidized managers of misery, because, “ya know”, “you have to work to make a living”.
Yet, all the same, in the moment of strike persists an effervescence, a joy, an exaltation we cannot reduce to a simple spectacle of protest. The launching of a Strike, as pathetic and petty it may be, bears something that escapes its simulation. Something happens, something which passes along beings, and makes them stand together against the so-called order of things. It is saying that the Strike captures, that it works by capturing this potency. All its energies are provided by the capturing of a striking. It is in the moment of the strike that a certain density of refusal and an historical temporality come to meet.
The Strike captures the strike in us, and claims it has brought it forth. Just like “society” claims its fatherhood. As head of orchestra, it ensures that the notes come out at the right moment, that they harmonize without dissent, on the horizon of the final gong after which the play is done for. While it assigns each singularity to its instrument, its proper moment, it also gives each of them a place, in a benevolent embrace. The Strike is the fact of a scene: this hazy association of student militants. It is not sufficient to critique this scene, to objectify it or typologize it, because inevitably it inhabits us as much as we inhabit it. Instead we aim to perceive the concrete mechanisms that operate it, and that it operates. Hence the importance of drawing the portrait of the situation we are brought to, in order to trace its constituent apparatuses of capture. It is not a question of opposing forms, but of composing forces.
Apparatuses of capture
Apparatuses work as couples, proposing a forged dichotomy where one must elect a preference, by which he chooses predicates as grounds for his praxis. This identity is known to procure a certain pleasure; due to its relation with the possibility of really taking a stand, to which it is but an abusive hijacking, an illusory representation. We must understand these couples as tendencies, manners of being transversal to existential strategies, while they are most often embodied in individuals or collectives.
Direct democracy / representative democracy
The General Assembly holds the traditional power of triggering the Strike, therefore to delimitate its beginning and its end.  Trying to instrumentalize this power could appear as a strategy against mass apolitism, but the proper of the democratic swamp is precisely to absorb all conflictuality (war) into the rule of 50+1. From instrument it becomes the norm to which all politics must ultimately be measured.
The radical-democratic posture takes roots in this logic where the political line is reduced to an extensive democratization.  It aims the arbitrary power of the representatives as the sole obstacle to the general will, always reasonable if not corrupted. In their perspective, to err is human to the point where humanity is the only enemy of good. Then, increasing the legitimate nature of democratic structures, in avoiding sheer machiavelism, demands to center all effort on the mediations alone, until their clockwork warrants against any arbitrary power. Until it is will itself, as the human element, that appears as its principal enemy. We then find ourselves in front of a mere cybernetism.
In the end, this alternative has a single object of envy. And yet, democracy owes its reality only to what it achieves to steal from the concrete conflictualities in front of which the agora – the place of publicity - poses itself as the only “legitimate” space of expression. Its operation can be summarized as the framing and juridical codification of these conflictualities. This notarization of struggle has nevertheless no more use than the translation of the infighting into the language of the enemy.
The cornerstone of radical-democratism lies in the belief that the aggregation of more or less consensual quantities automatically gives birth to a political quality, with no regards to the quality of that which is the object of share. The fixation at stake is not the prerogative of the General Assembly, but crosses every meeting hoping that a passion might bolt out of the blue of numbers. But, then again, levelling does not produce equality.
Direct democracy, representational democracy and apolitism meet in the liberal precept, placing us in front of the false debate of “who’s the most democratic”. The anti-striker accuses the General Assembly of being antidemocratic by blockading free access to their courses, while the radical-democrat will invoke the sovereignty of the same assembly to dispute the bureaucratic authority of the executives, while the same executives will rely on their elective representativeness. Regardless of their position, all agree on the terrain of their battle: the management of conflict.
Democratism means nothing outside of the conflict to which it offers a place, a form, a container. However, there is no container without constraint. Against the democratic reduction, we count on scattering the political out of its walls: to make conflict nomadic.
Thus, within these spaces devoted to conflict management, a political upbringing can bring forth democracy that transcends democratism.
Mass syndicalism / activism
Syndicalism and activism – whether affinitarian or groupuscular - oppose on a certain conception of “people”. The first considers them as its “members”, more or less conscious, whom it must frame the yearning into a program for their “own good”. Whereas the latter considers them as immediately immanent to their situation (of class or identity), which it would suffice to precipitate the confrontation to gain them to the “cause”. Their reciprocal polarization lies mainly in a difference of degree in their belief in the capacity of these “people” to understand and express their interest. The activist tendency identifies itself with the immediate expression of popular discontent, while mass organizations tend to frame it in pacifying symbolic actions.
Each will defend its action as being the most effective to achieve shared goals: obtaining concessions or radicalizing/spreading the struggle. But both target an incarnation of specific and divergent roles in their relation to the State: as the credible speaker or the credible menace. In the end, activism within the student struggle merely accomplishes the syndicalists’ “dirty job”.
One of the classical oppositions where this couple can be seen is the one between “wait-and-see” reformism and revolutionary spontaneism. As a matter of fact, the bet of many radicals in 2005 has been to sacrifice spontaneity for planning requirements. The reef of the 2007-2008 strike in UQAM has accentuated in fact the sacrificial posture of an active minority, the struggle being planned in long-term, and several years in advance. Henceforth, all student tendencies agree on the necessity of a mobilization process, a revolutionary pedagogy, prior to the epiphany of a situation of conflict. Both plump with this conception of a “mobilizable” subjectivity, the massifying posture calls on an abstract student identity while the activist posture calls on the absolute exploited or on the multiplication of identities. From corporatism to revolutionary extensivity, lies a symmetric designation of the exploited and the enemy. In both cases, the “us/them” line divides and reunifies each party, ignoring all true singularity inhabiting them.
Symbolic action / direct action
On one side and the other, violence is seized as the ultimate act, cutting through ambient passivity. However, is only considered the strict legitimacy of violence, without exploring its content neither distinguishing its exercises and forms. Such a judgement can only be drawn trough solely utilitarian criteria. For the violents, direct action is necessary as the most efficient way to reach their ends, while the pacifists think fucking clown noses, petitions and red cubes in the street are the most efficient instead. Violence remains solely a mean, whether required by a hallucinated situation of survival or prevented on account of an equally hallucinated future world, stripped from all hostility.
It follows that violence, as it comes by anyway (for both of them), sees itself cornered to justify in terms of legitimacy or of efficiency. Therefore both remain ferociously despising of the relation between life and pain, life and suffering, the capacity of feeling being the only sign of existence.
Both intend to defend society, may it be the past golden age or the future utopia. All who oppose social tissue, by going in the direction of sheer unbinding, meaning of the free nature of a destruction, remains averted in the name of the war-ending contract. The destructive character, one of the principal ethoses of striking, is faced with ostracism. Yet it is precisely that character who can declare – from the part of an other sovereignty this time – that “before being, there is politics”.
The question is not that of a possible cult of violence, but only that of seeing how it exists, and to always put back in play our relation to it.
Top capitation/ down capitation
Down-captation operates by the reconstruction of weak sociability relations based on the common idea that concrete life ferments goodness, that salvation only appears in communal and convivial proximity. It is better illustrated in the production of food, where it is presupposed that, as a natural activity - thus at the basis of social ties – it would augment the strike’s density. This pole is often the refuge of wills to escape the capture of striking by general mobilization, by seeking to create other lifestyles.
Condemned by its propensity to let itself be instrumentalized and pacified, down-captation secondarizes itself in its entrenchment to be solely the material basis of the movement.
In contrast, top-captation seizes hold of the enunciative and directive pole of the struggle. Holding back representational, discursive and planning offices, it justifies all its treacheries and hypocrisies with the fiction of public opinion, its main interlocutor whom is, in fact, never there. It concentrates its activity on the mythical moment of the negotiation, when its voice will subsume the masses’ anger. May it fail, showing in the media will nevertheless serve as an outlet, as a “menace to the government”.
Incapable to enounce its political desires, down-captation takes refuge behind “concretion”, under the understandable pretext of withdrawal from massification. Whereas top-captation will distill the field of desire-production into a simplistic list of claims. To make the Strike understandable, transparent and speakable is the mission it has given itself.
The classical opposition between abstraction and concretion perfectly copies the role separation taking place amongst genders. The megaphone-holding-man plays a role not necessarily reserved to men, but rather incarnates the masculine domain of discourse and of classical politics. The pots-and-pans-woman instead represents a becoming-feminine which reduces itself to subalternity, even if it carries the possibility of local autonomy. The feminine function, although at the basis of the reproduction of everyday life, always remains devalued in the eyes of “real politics”. In response, down-captation turns away from political inscription. While top-captation turns down all political speech on its own syndical categories (leverage, gain, balance of power) in the name of operationality.
In the end, both forms of captation reveal themselves as modalities of mobilization, nourished by the paradigm of emergency. There is so much to do, one must respond to necessity. Need of discourse or need of concrete means that press striking from all sides. 
But this pressure finds its limite in ex-pression, when lines of crossing emerge, when circulation of speech is interrupted by leaks. It is them we must hearken, in their slips and trips. These leaks, these flights, where Saying itself is unveiled, can carry the experience of a parole opposed to communication as an operation, and pool the concrete organization of desire, irremediably irreductible to “need”. What we call striking is heterogeneous both to the weak sociability of down-captation and the strong claim of top-captation.
The Strike, the Shore
Striking is the limit as much as the source of Strike. This Strike as an enterprise, with its entrepreneurs, does not produce nothing, does not create nothing, but manages, organizes, deflects, informs, in short: mobilizes. In this sense an advanced apparatus: its mobilization is fed by what it excludes, its true center lies in its outskirts, on its shore. That’s why we couldn’t propose a purely exterior and critique posture, no more than a constructive dialogue with the Strike. To do so we must refuse both to stay in and to stay out of the Strike, and most important not to lose the essential: anonymity. Being in strike stays there by overflowing; it lives in the constant tension in between proximity and distance towards the Strike, as what challenges internal relations of power as much as what undermines relations to the outside world. Striking is the shared border between intersubjective relations and the outside world.
The source of Strike lies on its limits, on its shore. It owes its existence only to its potentially “political” nature, the essence of which reclaims its own overtaking. An intelligence of Strike can only be found in this essence of the political – conflict – where it is possible to strike at the limits of Strike itself. Striking is infinite; and the Strike-enterprise has no other intention than to stem this infinity between a beginning and an end.
If the Strike is launched and ended, it nevertheless bears something more than the momentary cessation of production : it is also a caesura, a gap, a break, a distance-to-self. Striking is a rupture cutting through communities onto subjectivites, a menace of desertion. Not only of courses, of workplaces, but also of the subject itself, towards its determinations. The striking worker ceases to be a worker, the student ceases to be a student, letting space for singularities and practices to be invented.
These practices are conflicts, these singularities are tendencies revealed by the strike. Thereby, if politics is the interruption if the normal development of things and ways to be, the strike is a moment of exposure of infrasubjective tendencies which – more than ever – confront directly. Thus striking is in itself a tendency to share, as much as communisation as tensionization : the tendency which recognizes  the conflict will never be resolved.
The moment of strike is an acceleration, and intensification and a bursting of all already striking in ourselves. Striking is the energy of the moment of strike, although its limit, for unregistrable in its temporality. Sometimes, for an instant, the Strike isn’t able to contain striking. Something happens, something unexpected, for which no place was given. For an instant, striking slips through the cracks, and brief moment of politics breaks through. During a simple assembly or a demo, something detonates from the ambient bleakness.
Striking circulates and is shared. Elaborating striking require to think the threshold of sharing that bestows its density, its potency, its radiance. That would authorise us to take hold of its own means, which are simply the means of striking used against its own institutionalization.
Sabotage
Sabotage, if it can be summed most often as  leverage, call for an sharing, a communisation of power-knowledges : a detailed comprehension of the apparatus’ machinery leading to a material conscience of the impact of its dysfunction. The haunt of syndicalists,  in front of sabotage, is its explosion, its multiplication in purely anonymous, silent and “free” styles. For instance, the labor strike embeds in a certain valorization of work as human activity. Sabotage, in this context, can break this valorization and therefore the implicit contract between the boss and his employees. More profoundly, and still for the labour movement, generalized sabotage can break even the identity of producer, when it comes to incarnate the refusal of work itself, and exit the capital-work dialectic. Perhaps this is why all Marxists, and Marx the first, tend to associated generalized sabotage to a false consciousness of the class on its historical role. Sabotage must then also be understood as the interruption of the production of identity. If the point is to jam capture apparatuses, striking takes the form of all sabotage, and sabotage of the Strike at first.
Pillage
Each strike has it moments of pillage, even minimal, in which we can better measure the instantaneous nature of conflictuality, the spontaneous praxis. In this frame, all pillage transcends clamings, most of all when it consist of going to get directly what we need. In the gesture of “taking in the heap” there is a lucidity on the potential baffling of vale, in gabbing without paying what we once only claimed. The image of the mass seizing merchandise without explication is the haunt of the syndicalist because it shatters irreparably with the triad of work-money-commodity.
In the moment of strike, pillage doesn’t act as a democratization of access to commodity; its gratuity lies rather in the destruction of the commodity form. This tendency can lead to the straightforward destruction of the product, as a profanation of the power of things on life. When pillage is not limited to accumulation, it restores to common use, announcing the possibility of free-use. Expend and feast are intimately ties when collective pillage gives to striking its most beautiful moments of paroxysm. Pillage also of power-knowledges which, once restored to common use and this put into circulation, increase the density of striking and undermine the concentration of power.
Blockade
Blockade too is an intensity. The intensity of withdrawal, of interruption, of caesura which corresponds to the gesture together the most simple and the most essential of striking. It is its capacity to cease. What frightens in blockade is that the strategy of desertion may be doubled by the politics of staying-there. Occupation blockades circulations, it is inhabitation of spaces, spaces designed for precise and temporary purposes, which’s functionality is insured by the circulation of bodies. To occupy a room, a tv studio, or the metro, is to blockade its utilization, and necessarily to revoke legitimacy.
In general, blockades during strike justify themselves through a comprehension of economy as limited to infrastructure. For that reason they remain leverage, and the slogan “blockade economy” recovers only classical economy, limited to certain symbolical objects and subjects. But each blockade holds the promise of shortage, which rejoins the question of organization: how will we live? Which opens to the  possibility of conceiving economy in its brutal materiality, that of the management and production not only of things but of desires and affects as well. Blockade is then also the one of the normal course of affects, intensities and relationships. In that sense, all can be blockaded by anyone.
The breakage of apparatuses and the flight from captation don’t compose the essential of sabotage, pillage and blockage. Such a reductive conception masks all that is in stake here: sharing, organization, stand-taking, circulation of power-knowledges, etc. A content shown by an offensive illustration and thus doesn’t limit itself to a distance to the world, but finely threads withdrawal: a slight yet decisive shifting in our relation to the world. Far from mere apolitism, it is a way out of classical politics and of all moralisms. A meal or a demo are places of encounter where striking, its share, can densify from sabotage to pillage, from pillage to blockade. Densification which poses the question of communisation, and not of its infrastructure.
Communisation
Striking, if summed to retreat, to ingovernmentality or to absence, is vowed to fail. Striking never comes alone. It implies the communisation of conditions, inclinations, and penchants. Beyond encounters permitted by the liberation of free time, communisation is experience, meaning the unveiling of a common standing in the between-us. The between-us is to think an us that is not already constituted, it is an open story. Community in not fixated on an identity, it has neither proper nor frontiers. At bottom, there is no community but a becoming community. The worst enemy of communism is its completion. For we are all uncompleted, communisation is the experience which leads us to the limits o ours subjectivities. Towards the predicates that constitute us as subjects, striking operates as desubjectification. To desubjectify is not to go towards the massified, but on the contrary to descend below the indivial, towards the trans-individual. The concern is then to put to circulation by rendering improper our names, our words, our qualities, in short: to become whatever. It is laying down the bases for ecstatic politics : an exit of self, an emergence. By communisation desires and affects circulate without becoming completely transparent or assigned to a category.
In other terms, student syndicalism exists on the mobilization of a certain figure of the student, but it is not that abstraction that is really active, but rather the possibility to circulate a wrath that will never be resolved. Striking condenses this refusal to bring it to force. At the bottom of every “enough” lies a promise of common, a sharing. After all, each time we strike, we actualize traces left behind by the strikes of the past. In this way, we answer the call of communism, this opaque ground on which the idea of strike arises. This idea runs through everyone feeling out of phase in front of the militant cadence, but who nevertheless won’t resolve to let their anger die. It is also why we won’t resort to it that we propose these few trails.